E-commerce à l’ère de l’IA : quel avenir pour les sites marchands ?
Depuis plusieurs mois, le secteur du commerce en ligne fait face à une mutation profonde. Après la montée en puissance des marketplaces, l’essor du mobile ou encore la généralisation des paiements sans friction, c’est désormais au tour de l’intelligence artificielle générative de redistribuer les cartes. Pour mieux comprendre ce qui se joue actuellement, nous avons recueilli l’analyse de Grégory Pairin, co-fondateur du site de bijouterie en ligne Ocarat.com. Il nous livre un témoignage lucide sur les bouleversements en cours, leurs conséquences concrètes sur le secteur du e-commerce et les stratégies à envisager pour répondre à ces changements.
Ce qu’il faut retenir :
- Le trafic sur les boutiques en ligne s’érode progressivement, à mesure de l’évolution des LLMs, des marketplaces et du social selling.
- Le site web sera bientôt un canal parmi d’autres, dont il faudra supprimer les frictions au maximum.
- L’achat direct dans les agents conversationnels est voué à progresser.
- Avec la montée en puissance l’IA, la citation de marques pourrait devenir plus importante que les liens, entrainant l’apparition d’un nouveau business de la citation.
L’effet LLMs : premiers signes d’érosion du trafic
Chez Ocarat, l’acquisition repose à 90 % sur les recherche Google, réparties entre le référencement naturel et payant. Depuis quelques mois, une érosion modérée, mais significative du trafic peut être observée sur les requêtes les plus simples : celles que les LLMs peuvent résoudre instantanément. « Plus la question est basique, moins l’utilisateur sera amené à cliquer sur notre site », constate Grégory.
Si aujourd’hui, environ 30 % des recherches traitées par les IA restent de nature transactionnelle (c’est-à-dire liées à un achat), la menace pourrait s’accroître avec l’arrivée prochaine en France des AI Overviews. Pour Grégory, l’impact serait immédiat : une baisse de 15 à 25 % du trafic est redoutée, notamment sur les requêtes les plus basiques.
Le web marchand face à la disparition des interfaces
Ce changement de paradigme s’inscrit dans une tendance plus large : celle d’une désintermédiation de l’interface web traditionnelle. En Asie, 8 achats sur 10 se font déjà via des marketplaces. Aux États-Unis, c’est 50 % des transactions qui sont concernées. Et l’Europe, bien qu’en retard, suit cette trajectoire. Les utilisateurs achètent via TikTok Shop, bientôt directement depuis ChatGPT ou Perplexity AI, en partenariat avec PayPal.
Pour Grégory, les choses sont claires : le site web ne disparaîtra pas, mais il ne sera plus au centre de l’expérience d’achat. Il deviendra un canal parmi d’autres, subordonné à des interfaces de recommandation plus fluides, plus conversationnelles.
« L’enjeu, c’est de supprimer toutes les frictions. Un achat via Apple Pay sur Shopify ou un clic sur TikTok Shop répond mieux à ces attentes. »
Marques, distributeurs et… Amazon
Dans cet écosystème, les marques traditionnelles, notamment celles qui évoluent dans le secteur de la bijouterie, se trouvent à un carrefour stratégique de leur existence. Beaucoup refusent encore catégoriquement de faire le jeu d’Amazon, perçu comme peu compatible avec leur image haut de gamme. D’un autre côté, leur réseau de distribution physique souffre et elles doivent se renouveler. Pour Grégory, une intégration progressive des marques aux marketplaces semble inéluctable, à condition qu’Amazon sache les convaincre sur le terrain de la qualité.
Le modèle du Dropshipping évolue lui aussi. Plus besoin de créer une boutique Shopify : TikTok et d’autres plateformes permettent dorénavant de vendre directement, de façon intégrée. Les barrières à l’entrée s’amenuisent, mais la compétition s’intensifie.
Repenser la stratégie de visibilité à l’heure des LLMs
Comment réagir face à cette mutation ? Pour Gregory, l’urgence est de comprendre le fonctionnement des LLMs. Quels contenus sont utilisés ? Comment apparaître dans les réponses générées ? Une piste séduisante se dessine : viser la citation de marque.
« Demain, il y aura sans doute un business de la citation, comme il y a eu un business du lien ».
Cela suppose aussi de revoir la stratégie on-site : mentionner systématiquement la marque dans les contenus, produire des réponses précises, soignées, susceptibles d’être reprises par les IA. La course à la visibilité passe aussi par de nouveaux formats sponsorisés, dont les contours restent encore à définir.
Enfin, un enjeu technique émerge : vérifier que les LLMs accèdent bien aux contenus publiés. Sur ce terrain, les outils de suivi de crawl spécifiques aux IA devraient rapidement se développer.
2030 : projections et incertitudes
Grégory esquisse sa vision à moyen terme :
- D’ici 2030, 60 à 70 % des commandes pourraient transiter par Amazon.
- Google proposera probablement l’achat direct depuis ses résultats.
- Et le modèle TikTok Shop aura été copié par l’ensemble des plateformes.
Dans ce contexte, les IA génératives ne sont pas encore l’outil le plus menaçant pour le e-commerce, comparé au Social Selling. Mais elles pourraient bouleverser les usages plus en profondeur, notamment en réduisant le besoin de recourir à d’autres interfaces.
Ne pas subir, mais tester et anticiper
Le site web marchand ne disparaîtra pas, mais il cessera d’être le point d’entrée principal. Pour rester visible, il faut occuper tous les terrains : marketplaces, réseaux sociaux, moteurs de recherche IA. Cela suppose de tester, d’observer et de s’adapter en permanence. Et surtout, de ne pas céder aux sirènes de la technologie sans prendre un minimum de recul.
Merci à Grégory Pairin, cofondateur et directeur marketing d’Ocarat.com, pour sa précieuse contribution !
L’article “E-commerce à l’ère de l’IA : quel avenir pour les sites marchands ?” a été publié sur le site Abondance.